https://www.franceinter.fr/emissions/unique-en-son-genre/unique-en-son-genre-du-vendredi-06-mai-2022
Franz Kafka, Lettre au père.
Très cher père,
Je ne peux garder plus longtemps en moi un secret qui me dévore. Il est grand temps de m’en défaire en te l’offrant comme un cadeau : père, tu me fais peur depuis toujours et je crains le pire lorsque tu es là.
Indiscutablement, il y a quelque chose d’anormal dans notre sale relation
Certes, je dois assumer ma vie sans avoir à te reprocher tous mes échecs. Et quand bien même tu ne m’aurais pas élevé, je serai devenu ce que je suis, c’est à dire un homme faible, anxieux, hésitant, inquiet. Mais peut-être en d’autres circonstances, aurions nous fait de bons amis.
J’ai rêvé de te voir jouer le rôle d’un chef, d’un oncle, d’un grand père, ou je ne sais quoi d’autre, mais pas celui que tu tiens et dont les conséquences sont désastreuses : tu m’épuises, tu m’écrases. Tes colères m’ont toujours été insupportables, en cela, tu diffères des autres membres de la famille, plus gais et moins sévères que toi.
Je me suis souvent posé la question de ce que j’ai bien pu hériter de ce père si opposé à ma personne. Si tu n’as pas pu exprimer une quelconque tendresse, du temps de mon enfance, c’est que tu craignais d’être faible en tant qu’homme. Tu croyais bien faire en agissant aussi violemment, aussi virilement avec moi. T’aurais voulu me voir en bon soldat buvant de la bière, criant, pétant des insanités, mais je n’ai pas été cet homme là, mais u autre. Je n’étais pas toi, c’était mon principal défaut.
[La Cul-Singe,](Le lien : https://anne-carriere.fr/livre/la-cul-singe) de Fabien Vinçon, aux éditions Anne Carrière